jeudi 31 juillet 2014

Antoni Casas Ros


EN : Dans un entretien avec Eric Bonnargent publié en novembre 2011 sur l’Anagnoste*, vous évoquiez Lento, à paraître le 21 août chez Christophe Lucquin Editeur. Comment ce texte s’est-il développé ?


-         ACR  : Lento est le texte sur lequel j’ai le plus travaillé. La première version était un roman complètement délirant où Lento jouait de ses pouvoirs et changeait le monde pour le faire glisser vers la lenteur. Il transformait les autoroutes en rivières et mille autres choses. Dans la deuxième version, je me suis plus intéressé à l’intériorité de Lento, à son enfermement, j’en ai dit beaucoup moins, le texte s’est resserré, il a diminué de moitié. J’ai enlevé presque tous les éléments extérieurs et pas mal de personnages annexes. Dans la troisième version, j’ai réalisé que Lento était un conte et j’ai réduit encore jusqu’à parvenir au texte publié.

 

-          Vous avez d’abord publié un extrait dans le Zaporogue de Sébastien Doubinsky. Cette publication a-t-elle eu un impact sur le texte tel qu’il est aujourd’hui ?


-          Sébastien Doubinsky est un écrivain dont je me sens très proche, nous nous faisons lire nos textes, nous avons des échanges authentiques et cela me stimule beaucoup. Sébastien est extrêmement ouvert sur les littératures du monde, il a une vision spatiale de la littérature et j’ai été très touché qu’il ait été le premier à défendre/comprendre ce conte en en publiant le début dans le Zaporogue qui devient une collection chez E-fractions  Editions, une aventure originale.

 

-          Vous publiez chez Christophe Lucquin Editeur, une maison beaucoup plus petite que celles dans lesquelles vous aviez publié auparavant. En quoi cette expérience éditoriale diffère-t-elle des précédentes ?

 

-          Les grandes maisons ont des avantages, la couverture de la presse, la forte présence en librairie et une machine très bien rodée qui suit et accompagne le succès. Toute cela au prix d’un rapport très distancé, limite glacial qui devient pesant à la longue. J’ai découvert Christophe Lucquin à travers les textes qu’il publiait, à travers Polleri magnifique et Bellatin dont j’ai presque tout lu, mais c’est le personnage qui m’a touché. Il s’expose totalement. Lorsqu’il s’enthousiasme, il n’a pas peur de le montrer. Il ose exprimer sa passion pour les textes. Il est totalement hors norme. Et j’aimais en même temps sa certitude qu’il deviendrait une grande maison. Je me suis souvent demandé comment c’était d’être chez Gallimard au début, avec ces personnages extraordinaires qu’étaient Gide, Rivière, Paulhan et les autres. Je crois aussi que les comités de lecture, à partir du moment où il faut un consensus sur un livre ont tendance à gommer les extrémistes. Alors j’aime qu’un éditeur assume seul ses choix, que la maison soit le reflet d’une personnalité. C’est le cas des grands éditeurs, Fata Morgana, Bourgois, Corti et quelques autres dans la nouvelle génération.

 

-          Quel sentiment vous anime alors que les premiers lecteurs découvriront bientôt Lento ?


-          L’excitation, la curiosité. Est-ce qu’un conte peut trouver sa place dans la littérature terriblement réaliste qui se publie en France aujourd’hui ? On en est presque au niveau du vaudeville, avec des petites histoires, des personnages comme tout le monde, le reflet d’une société déprimée, un manque de fantaisie absolu. Je lisais hier Oscar Wilde qui, à l’époque de Zola, avait déjà flairé le danger lié au réalisme dont la phrase magique semble être « d’après une histoire vraie ». Cette maladie a touché le cinéma, elle touche la littérature aujourd’hui. A quand les bandeaux « From a true story » sur les livres. Qu’est-ce qu’on en a à foutre de la vérité ? Dit plus élégamment par Wilde : « Une des causes du caractère curieusement banal de toute la littérature de notre époque est de toute évidence le déclin du mensonge considéré comme art, comme science et comme plaisir social. »


* l'Anagnoste : http://anagnoste.blogspot.fr/2011/11/entretien-avec-antoni-casas-ros_11.html

http://www.christophelucquinediteur.fr/lento/

1 commentaire:

  1. Un peu plus d'eau à la bouche encore, je ne vais pas tarder à lire Lento, et comme pour le moment chez C. Lucquin, j'ai fait un sans faute de lecture, il n'y a pas de raison que ça change...

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