EN : Dans
un entretien avec Eric Bonnargent publié en novembre 2011 sur l’Anagnoste*,
vous évoquiez Lento, à paraître le 21 août chez Christophe Lucquin Editeur.
Comment ce texte s’est-il développé ?
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ACR : Lento
est le texte sur lequel j’ai le plus travaillé. La première version était un
roman complètement délirant où Lento jouait de ses pouvoirs et changeait le
monde pour le faire glisser vers la lenteur. Il transformait les autoroutes en
rivières et mille autres choses. Dans la deuxième version, je me suis plus
intéressé à l’intériorité de Lento, à son enfermement, j’en ai dit beaucoup
moins, le texte s’est resserré, il a diminué de moitié. J’ai enlevé presque
tous les éléments extérieurs et pas mal de personnages annexes. Dans la
troisième version, j’ai réalisé que Lento était un conte et j’ai réduit encore
jusqu’à parvenir au texte publié.
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Vous
avez d’abord publié un extrait dans le Zaporogue de Sébastien Doubinsky. Cette
publication a-t-elle eu un impact sur le texte tel qu’il est aujourd’hui ?
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Sébastien
Doubinsky est un écrivain dont je me sens très proche, nous nous faisons lire
nos textes, nous avons des échanges authentiques et cela me stimule beaucoup.
Sébastien est extrêmement ouvert sur les littératures du monde, il a une vision
spatiale de la littérature et j’ai été très touché qu’il ait été le premier à
défendre/comprendre ce conte en en publiant le début dans le Zaporogue qui
devient une collection chez E-fractions Editions, une aventure originale.
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Vous
publiez chez Christophe Lucquin Editeur, une maison beaucoup plus petite que
celles dans lesquelles vous aviez publié auparavant. En quoi cette expérience
éditoriale diffère-t-elle des précédentes ?
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Les
grandes maisons ont des avantages, la couverture de la presse, la forte
présence en librairie et une machine très bien rodée qui suit et accompagne le
succès. Toute cela au prix d’un rapport très distancé, limite glacial qui
devient pesant à la longue. J’ai découvert Christophe Lucquin à travers les
textes qu’il publiait, à travers Polleri magnifique et Bellatin dont j’ai
presque tout lu, mais c’est le personnage qui m’a touché. Il s’expose
totalement. Lorsqu’il s’enthousiasme, il n’a pas peur de le montrer. Il ose
exprimer sa passion pour les textes. Il est totalement hors norme. Et j’aimais
en même temps sa certitude qu’il deviendrait une grande maison. Je me suis
souvent demandé comment c’était d’être chez Gallimard au début, avec ces
personnages extraordinaires qu’étaient Gide, Rivière, Paulhan et les autres. Je
crois aussi que les comités de lecture, à partir du moment où il faut un
consensus sur un livre ont tendance à gommer les extrémistes. Alors j’aime
qu’un éditeur assume seul ses choix, que la maison soit le reflet d’une
personnalité. C’est le cas des grands éditeurs, Fata Morgana, Bourgois, Corti
et quelques autres dans la nouvelle génération.
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Quel
sentiment vous anime alors que les premiers lecteurs découvriront bientôt
Lento ?
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L’excitation,
la curiosité. Est-ce qu’un conte peut trouver sa place dans la littérature
terriblement réaliste qui se publie en France aujourd’hui ? On en est
presque au niveau du vaudeville, avec des petites histoires, des personnages
comme tout le monde, le reflet d’une société déprimée, un manque de fantaisie
absolu. Je lisais hier Oscar Wilde qui, à l’époque de Zola, avait déjà flairé
le danger lié au réalisme dont la phrase magique semble être « d’après une
histoire vraie ». Cette maladie a touché le cinéma, elle touche la
littérature aujourd’hui. A quand les bandeaux « From a true story »
sur les livres. Qu’est-ce qu’on en a à foutre de la vérité ? Dit plus
élégamment par Wilde : « Une des causes du caractère curieusement
banal de toute la littérature de notre époque est de toute évidence le déclin
du mensonge considéré comme art, comme science et comme
plaisir social. »
* l'Anagnoste : http://anagnoste.blogspot.fr/2011/11/entretien-avec-antoni-casas-ros_11.html
http://www.christophelucquinediteur.fr/lento/
Un peu plus d'eau à la bouche encore, je ne vais pas tarder à lire Lento, et comme pour le moment chez C. Lucquin, j'ai fait un sans faute de lecture, il n'y a pas de raison que ça change...
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