L’auteur sera toujours enclin à
accepter une correction orthographique, pour peu qu’elle soit une évidence. En
revanche, dès que l’on touche à des choses moins évidentes, il faut parfois
batailler, s’expliquer, se justifier. Je me rappelle fort bien une anecdote qui
aujourd’hui me fait sourire, même si sur l’instant j’ai plutôt ri jaune.
Conformément à la règle qui veut que l’on mette un trait d’union entre le
prénom et le nom (pour un édifice ou une institution), j’avais ajouté çà et là,
quand il le fallait, des traits d’union. J’ai reçu en retour un message bien
sec de l’auteur, me remerciant pour mon travail, mais me demandant d’éviter à
l’avenir d’ajouter des fautes…
Dans ces cas-là, on s’explique —
bien sûr. Avec le temps, j’ai fini par anticiper. Il m’arrive d’expliquer
parfois longuement pourquoi j’interviens. Je ne le fais cependant pas
systématiquement, car c’est terriblement chronophage, or le temps nous est
compté.
Ce qui prime, finalement, c’est
la confiance entre l’auteur et le correcteur.
Pour qu’elle s’installe, je garde
à l’esprit et fais bien sentir que je ne suis pas l’auteur. Certes,
j’interviens dans ce que celui-ci a fait, mais je ne veux en aucun cas prendre
sa place. Je propose, il dispose.
Même si j’interviens beaucoup, je
n’attaque jamais un texte à la serpe. Quand deux acceptions sont valables pour
un mot – et parfaitement équivalentes —, je ne m’amuse par exemple jamais à
proposer celle que l’auteur n’aura pas proposée. Je ne me manifeste que, le cas
échéant, pour harmoniser les choix.
A priori l’auteur a soigné son
texte. Il l’a lu et relu. Il l’a déjà corrigé. Les mots qui sont là résultent
de choix ; la syntaxe, le rythme,
les sonorités aussi. À moi de le persuader qu’aller dans le sens que j’indique
est une plus-value. Car c’est avant tout de cela qu’il s’agit, donner une
plus-value.
J’ai besoin que deux personnes en
soient intimement convaincues : l’auteur et l’éditeur qui au final sont
les seuls à connaître l’avant/après et à avoir le nombre de nos interventions
sous les yeux.