lundi 11 août 2014

Isabelle Bonat-Luciani - Cartes Postales


EN : Comment a débuté l’aventure des Cartes Postales ?

IBL : Ce fut un concours de circonstances. Elles sont arrivées l’été dernier. Éric Pessan avait lancé le carnet de dessins qu’il mettait en ligne tous les jours et c’était l’un des rendez-vous attendus au quotidien. Il est parti en vacances, comme tout le monde ou presque, et basta les dessins… et toujours pas de congés pour moi.
Il s’est écoulé quelque temps.
En fait, il a suffi d’un statut Facebook de Francesco Pittau à propos d’une tente Quechua, de palmiers et de vacanciers avec une carte postale. Ca m’a fait rire. L’envie m’est alors venue d’envoyer des cartes postales à ce quotidien trop quotidien. J’avais dans l’idée la fréquence d’une carte par jour, comme un intérim (ici on a peur de rien).
La première carte a été adressée à Francesco Pittau, avec un décor de vacances tracé à la va-vite (je suis nulle en dessin et c’est une contrainte parce qu’il faut trouver comment contourner le problème) et « des ploucs qui s’amusent comme des nazes en Provence ». Le reste a suivi.

 
Ces cartes ont-elles évolué ?

Au début, elles étaient surtout un exutoire au quotidien, avec la série adressée au Trésor public, à la Société Générale, à la police et ses radars, etc., avec aussi le détournement des contes par des détails du quotidien (le Petit Poucet qui est prié de foutre ses cailloux à la déchetterie)… et puis il y a eu la carte d’ Aline, un jour à la mer, dessinée sur le sable, où le support et le contenu (la référence à cette chanson de Christophe) se sont ensablés. Ça a ouvert encore une voie : le support/contenu comme dans la carte des Floyd avec je « like ton wall » et la couverture de leur album dessinée sur la carte.

 
 
Evoquant la musique, la littérature, l’actu, des cartes sont devenues un peu facétieuses, un peu subversives. C’est un peu ça, les cartes : un infini de possibles entre les jeux de mots, les adresses qui deviennent des prétextes comme la ville de Menton pour les frères Bogdanov, la ville de Tremblay pour écrire à M. Parkinson.
J’ai commencé à les travailler un peu plus, à me mettre des contraintes, afin que chaque élément de la carte se rapporte à l’ensemble, que ça forme un ensemble très cohérent à connivences multiples sur le même sujet, souvent détourné d’ailleurs.
Comme je ne sais pas dessiner,  je ne sais pas non plus parler des livres que j’aime, alors je les ai mis en cartes. Il y a toute une série de cartes postales dédicaces qui disent toute la même chose : le plaisir que j’ai eu à avoir tel livre entre les mains, avec des motifs précis d’éléments de lecture qui se transforment en timbre, en adresse etc.

 
Quelle est votre carte préférée  si vous en avez une et pour quelle raison ?

La première, j’y suis attachée parce que j’ai un rapport affectif avec elle (et que bêtement elle me fait rire). J’aime beaucoup celle de Bashung : il n’y a presque rien dans cette carte très sobre qui, je crois, dit tout l’attachement dans sa simplicité. Et puis celle pour Fifi du Rockstore, qui a disparu récemment, parce qu’elle m’a permis de mettre ma peine quelque part, de la poser et de lui rendre un hommage pudique.
(Je crois que je ne peux pas choisir, en fait.)

 



Comment l’idée d’exposer vous est-elle venue ?

J’ai une carte postale en vrai pour mes déjeuners, un poumon qui est un lieu : un bistrot dans lequel tous les univers se brassent, le Bistrot 12 à Montpellier.  Il y a souvent des expos.
Par empathie, ceux qui lisaient les cartes tous les jours sur le réseau social et que je croisais au déjeuner m’y ont encouragée, en me disant : et toi ? c’est quand ? Je les ai pris au mot en lançant l’expo un peu comme ça, sans vraiment avoir d’idée sur la façon de  l’organiser - une semaine avant, je ne savais toujours pas comment mettre en espace.  J’ai commencé par la lancer virtuellement, en demandant à ce qu’on m’écrive là-bas, au bistrot, et nous avons reçu, le patron du bistrot et moi, de très belles choses qui ont fait aussi partie de l’expo elle-même. (Pour lui et pour moi, il y eut le plaisir de recevoir une carte, cette fois ci en vrai ; et au fil des jours les clients se sont mis à attendre les cartes eux aussi !).  Finalement les cartes sont devenues des ardoises : Je me suis dit qu’à un bistrot,  ça ne serait pas mal de  laisser des ardoises. Je voulais que ce soit dans la même tonalité que les cartes, décalé, pas trop sérieux, mais sérieusement fait.

 
Y aura-t-il d’autres opportunités de voir ces cartes exposées, pourquoi pas sous une autre  forme ?

J’aimerais bien. L’expo, c’était du concret et j’avais très envie de me frotter à ça. Je ne m’attendais pas à voir venir autant de personnes, ni le soir du vernissage, ni tout au long. C’était très chaleureux, ça a mis du lien. Penser l’expo m’a aussi permis d’arrêter des thématiques plus ancrées que d’autres, comme celles de la musique ou de la littérature.
J’ai exposé des livres dans ce bistrot. Ils sont restés là tout le temps, posés sur une table avec les cartes « dédicaces » accrochées au mur. J’ai été très surprise et très touchée de voir que certains feuilletaient des livres que peut-être ils n’auraient pas eus dans les mains autrement, de les voir sortir leur carnet pour noter les références. Alors pourquoi pas dans une librairie, une bibliothèque ou une salle de concert pour les cartes musicales ?


Travaillez-vous à d’autres projets ?

Je crois que j’ai le goût des correspondances. Les cartes, elles, viennent comme ça, au fil de l’actu, d’une pensée, d’un adage, d’un rien. J’ai aussi un « Cher toi » qui me tient à cœur, un ensemble de textes, des adresses à ce Cher toi que j’aimerais voir se poser quelque part. Et puis peut être les cartes trouveront-elles elles aussi leur adresse pour être rassemblées et éditées. Pourquoi pas ?

Cartes Postales : http://i-bl.tumblr.com/

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