Il y a quelques mois, j’ai
traduit, pour les éditions Anne Carrière, La
brume en août de l’auteur allemand Robert Domes.
Ernst Lossa a quatre ans au début
du roman. On l’accompagne pendant une dizaine d’années.
Il ne s’agit pas d’un personnage
fictif. La brume en août est le récit
de la vie d’un petit garçon condamné pour un « crime » auquel il ne
peut rien. Ernst est en fait une épine dans le talon du national-socialisme qui se voudrait « pur » : il est
yéniche. Il fait donc partie de ces gens dont on ignore d’où ils viennent précisément ; de ces êtres
qui ne sont bien que sur les routes quand on fiche et enferme ceux qui contreviennent
aux lois de contrainte et de
surveillance ; de ces individus qu’on appelle Tziganes, alors qu’ils n’en sont
pas (mais qu’importe ! on n’est pas à une sottise ou un amalgame près). Ernst
n’est qu’un môme enlevé à sa famille et qui meurt à l’hôpital, entre médecins
et autres personnels soignants après avoir été inexorablement entraîné vers le
point de non-retour par la folie des hommes.
Par celle d’Hitler ? Bien sûr,
mais pas uniquement : Hitler seul n’aurait jamais pu enfermer et
euthanasier Ernst.
Grâce à La brume en août, Robert Domes, l’auteur, a rendu à Ernst Lossa une
partie de ce qui lui a été volé. Au gamin qu’on a rayé de la carte, auquel on a
nié tout droit d’exister, il a redonné vie.
Robert Domes a patiemment fait la
lumière sur ce que vivaient les Yéniches sous le IIIe Reich, il a
fouillé les archives des endroits où Ernst est passé, il a écrit L’histoire vraie d'Ernst Lossa, il a mis
en lumière les agissements des partisans de l’eugénisme et il a montré le rôle peu
glorieux des médecins et personnels soignants au sein des établissements psychiatriques
dans les heures les plus sombres de l’histoire contemporaine.
La brume en août. L’histoire vraie d’Ernst Lossa est une œuvre
nécessaire (un drôle de mot pour une tâche aussi grande que celle de mettre un
pan d’histoire en lumière et de ramener à la vie un enfant injustement sacrifié).
En Allemagne, on fait désormais lire aux élèves ce roman écrit sans pathos, qui
n’en est pas moins un témoignage (historique) bouleversant.
J’ai aimé faire ce travail de
traduction et je reviendrai sur ce texte et l’histoire d’Ernst Lossa à l’occasion
de prochains billets.
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